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Enfermé vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans une chambre hautement sécurisée de l’hôpital psychiatrique Charcot, Adrien Rochas passait une grande partie de son temps à scruter le ciel couvert de nuages. La fenêtre était équipée de barreaux, mais il pouvait à loisir soulever un pan de plexiglas pour respirer l’air du dehors. La solitude et l’isolement ne lui pesaient guère. Son nouveau traitement l’avait grandement aidé à trouver l’apaisement.
Il n’en avait pas pour autant oublié le rendez-vous inéluctable avec les Forces Supérieures. C’eût été dommage de tout gâcher après avoir vaincu la Chimère. Autour de lui, on s’agitait. Debard, le psychiatre, venait lui rendre visite tous les jours et lui posait des questions absconses, toutes plus emberlificotées les unes que les autres. Adrien ne s’y laissait pas prendre. Debard était un allié des Êtres Impurs. Son père aussi, trois fois par semaine, venait pleurnicher dans son giron. Sa mère, non. Adrien ne l’avait revue qu’une seule fois depuis son combat victorieux contre la Chimère. Soudain amaigrie. C’était fini, l’époque des gros nichons et de la cellulite. En quelques semaines, Viviane Rochas avait spectaculairement fondu. Finalement, Adrien lui avait fait du bien, et il en était fier.
On l’avait enfermé, muselé. Peu lui importait. Jamais ne cesserait le combat des Forces Supérieures contre les Êtres Impurs. De sa chambre, ou plutôt de sa cellule, Adrien scrutait les parages : le mur d’enceinte de l’hôpital, les bâtiments grisâtres d’un collège et, un peu plus loin, un terrain vague parsemé de débris métalliques, de carcasses de Fenwick tordues par la rouille, d’Algeco en lambeaux. Le vent était froid et sec. La nuit tombait. Adrien aspira le souffle glacé qui parvenait jusqu’à lui. Ses narines frémirent. Aucun doute, tout près… c’était là, tout près.